Homélie du Dimanche 9 janvier 2025 – Année C – Baptême du Seigneur
Paroisse St-Étienne – St-Benoît
Evangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture » (Lc 4, 14-22a)
Dans notre assemblée, nous avons quasiment tous un point commun. Que l’événement soit ancien, récent ou à venir, qu’il soit passé ou envisagé, cet événement est la porte d’entrée dans une famille. Je veux naturellement parler du baptême qui nous a fait chrétien, ou nous fera devenir chrétien. Car, comme disait Tertullien, un Père de l’Église au début du 3ème siècle, on n’est pas chrétien de naissance, on le devient.
Que signifie être baptisé ? Pourquoi Jésus a-t-il voulu être baptisé par Jean ? Comment cela nous rend-il « ardent à faire le bien », comme Paul l’écrit à Tite dans la seconde lecture ?
La fête du baptême du Seigneur, célébrée ce jour, nous interpelle sur le sens de ce rite qui est un sacrement. C’est encore Tertullien qui proposa le mot latin sacramentum pour traduire ce que les pères grecs dénommaient mysterion, le mystère, le signe visible d’une réalité invisible par nos seuls sens. À l’époque, aucun mot latin ne pouvait traduire mysterion. Tertullien proposa sacramentum , un terme laïc qui désignait, pour un citoyen romain, un engagement, un serment libre, ferme et définitif dans un état de vie au service de la société.
Les sens grec et latin se complètent : un sacrement associe un geste et une parole, et appelle une réponse libre qui engage, une réponse libre à une invitation de Dieu qui a l’initiative de l’appel pour nous inviter à suivre le Christ (dans sa mort et dans sa résurrection).
Le baptême de Jean était un baptême de purification pour revenir auprès de Dieu, conscient du mal que l’on avait commis. Ce n’était pas encore tout à fait le baptême chrétien. C’était déjà quelque chose, ce baptême, du temps de Jean. Car Dieu rejoignait ainsi chaque croyant, non dans le protocole sophistiqué du Temple de Jérusalem, mais au Jourdain, aux portes du désert, ce lieu minéral qui pousse à s’interroger en profondeur sur sa propre vie.
Mais alors pourquoi Jésus se fait-il baptiser puisqu’il n’a pas commis de péché ? Pourquoi ne pas commencer directement dans la synagogue de Nazareth, ou au bord du lac de Tibériade ? Jésus décide de recevoir le baptême de Jean. Dieu décide de descendre au plus profond de l’humain, de vivre le même baptême que celui de toute personne qui désire se convertir, se tourner vers Dieu, faire de sa vie une maison qui accueille Dieu. Dans le silence, Jésus s’abaisse, s’incline pour recevoir le baptême que d’autres ont reçu avant lui. Dieu se mêle à la foule des croyants.
Et Dieu répond par le don de son Esprit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie ». Magnifique expression : Dieu se réjouit d’être parmi les hommes en son Fils Jésus.
Mais en recevant le baptême, Jésus ne choisit pas simplement d’épouser la condition humaine. Il est venu la chercher. Il la prend. Il la soulève pour l’amener à lui : « Moi, je vous ai baptisé dans l’eau, lui vous baptisera dans l’Esprit Saint », dit Jean-Baptise. Le baptême de Jean était un baptême de repentance qui faisait monter l’eau depuis la terre sur le corps du pénitent. Le baptême du Christ est un baptême dans l’Esprit Saint, qui fait descendre l’Esprit de Dieu dans l’homme, non seulement pour le régénérer, mais pour le consacrer dans la filiation divine. Notre baptême revêt les deux dimensions, l’eau qui monte, l’Esprit Saint qui descend.
Nés dans le monde, nous sommes du monde. Baptisés dans l’Esprit, nous sommes de Dieu, nés à la vie divine. Tout notre être est ainsi ce lieu de la rencontre entre la matière appelée à devenir sainte, et le divin qui se donne pour nous transformer et nous attirer à lui. Saint-Irénée de Lyon disait, au 3ème siècle : Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit divinisé. Voilà le sens profond de notre baptême : unir dès à présent, comme par anticipation, notre vie humaine à notre vie divine.
Alors le ciel s’ouvrit, nous dit Luc, ce qui signifie qu’il n’y a plus de fermeture, de verrou, d’obstacle entre Dieu et chacun d’entre nous.
Faire mémoire de son baptême ne consiste donc pas à se souvenir d’un événement du passé, dont on oublie d’ailleurs souvent la date exacte. Faire mémoire de son baptême, c’est vivre par anticipation déjà quelque chose du Royaume de Dieu, avant même d’y entrer, nourri par l’eucharistie, présence du Christ qui, comme l’écrivait Saint Augustin au 4ème siècle, « est plus intime en nous-même que nous-même ».
Christophe DONNET, Diacre